BELLES ECHAPPEES (ou... les photos de Sosso !)

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Metabief 12/2004

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Commentaires

  • mamadou Site web/blog
    mamadou · 27 mars 2008

    Je me souviens. C'était en février. Nous avions loué un gîte dans le Jura. C'était un chalet perdu au milieu de nulle part. Le premier village se trouvait à deux ou trois kilomètres. Pour accéder au gîte, en provenance de cette petite bourgade, il fallait suivre une route (plutôt une piste) enneigée qui traversait la forêt. Un bon quart d'heure à 20 km/h maximum, en espérant qu'aucun véhicule ne vienne en face. Le chalet se situait en haut d'une colline qui dominait la vallée. Nous apercevions au loin, en contrebas, la ferme des propiétaires, là où nous étions allés chercher les clés de la location. A vue de nez, il devait bien y avoir environ quatre kilomètres à travers les champs pour rejoindre la ferme. Sinon, en voiture, une bonne dizaine de kilomètres nous séparaient des propiétaires. Trois bons quarts d'heure sur de petites routes peu praticables. Mais cela nous correspondait parfaitement. A l'époque, nous habitions dans la capitale. Nous venions là pour nous ressourcer, loin de l'agitation d'une ville qui se voulait le centre du monde.Devant le chalet passait une voie ferrée qui reliait la petite ville au creux de la vallée à une autre ville en Suisse, de l'autre côté de la montagne, après la frontière, derrière la forêt. Au-dessus de la porte d'entrée, était clouée une croix. J'ai appris par quelques lectures sur la région qu'elle servait à protéger des loups qui occupaient ces montagnes autrefois. N'étant pas croyant, cela m'a fait sourire. J'y ai prêté plus d'attention le soir quand j'ai vécu un moment unique dans ma vie. J'étais resté dehors à percevoir les humeurs nocturnes après que le soleil se soit définitivement couché. Même le vent avait décidé de faire une pause. Et là, j'ai connu pour la première fois le vrai silence. Pas le silence habituel, c'est-à-dire le presque pas de bruit. Mais le vrai silence. Celui où on n'entend rien. Absolument rien. Dans les villes et beaucoup de campagnes "aménagées", la nuit s'emplit de bruits passagers : des voitures au loin, les cloches des églises, la sourdine d'un boîtier électrique au pied d'un pylone, des sons non identifiés qui témoignent d'une vie quelque part, par intermittence, on ne sait où. Mais ici, devant ce chalet, sur le plateau, tout en haut, loin de tout, sur ce tapis de neige immaculée, c'était le silence absolu. Une impression extraordinaire. La sensation de ne plus être de ce monde. Ce monde qui dit que la vie est vitesse, bruit, combat. J'ai regardé la croix au-dessus de la porte et j'ai pensé à ces gens qui vivaient ici autrefois. J'ai pensé aux yeux jaunes des loups à travers les premiers arbres à quelques centaines de mètres de la maison. Et dans le silence,la seule voix, muette mais bien présente pour ces gens, devait être cette croix au-dessus de la porte. Peu importe qu'elle soit religieuse, elle leur donnait la force d'être là dans un lieu du bout du monde, où sans doute Dieu n'avait jamais posé les pieds. sans doute Dieu ne savait-il même pas que ce lieu existait. Au-delà de la croyance, dans des temps reculés, cette croix avait beaucoup de sens.Et moi, en fin de vingtième siècle, j'étais là dans le silence. Un silence laïc. Et j'étais heureux. Je me sentais appartenir à cette nature magnifiée par la neige. Je me sentais être de ce monde vivant où le silence a une place essentielle. J'étais à l'égal de ces arbres noirs dans la nuit, de ce chemin enveloppé de ouate blanche, de ces taillis qui osaient pointer leur tête par-dessus le manteau pâle. Dans le silence, tout retrouve sa place. Il n'y a pas de voix plus forte que l'autre parce qu'il n'y a pas de voix. Il n'y a ni vainqueur, ni vaincu, parce qu'il n'y a pas de combat. Il n'y a pas de religion. Il n'y a pas de matérialisme. Il y a juste la vie. Simplement la vie qui dort. La nuit dans le silence.